CONCILES

CONCILES
SECTION PREMIÈRE.
Assemblée d'ecclésiastiques convoquée pour résoudre des doutes ou des questions sur les points de foi ou de discipline.
    L'usage des conciles n'était pas inconnu aux sectateurs de l'ancienne religion de Zerdusht que nous appelons Zoroastre. Vers l'an 200 de notre ère vulgaire, le roi de Perse Ardeshir-Babecan assembla quarante mille prêtres pour les consulter sur des doutes qu'il avait touchant le paradis et l'enfer qu'ils nomment la géhenne, terme que les Juifs adoptèrent pendant leur captivité de Babylone, ainsi que les noms des anges et des mois. Le plus célèbre des mages Erdaviraph ayant bu trois verres d'un vin soporifique, eut une extase qui dura sept jours et sept nuits, pendant laquelle son âme fut transportée vers Dieu. Revenu de ce ravissement, il raffermit la foi du roi en racontant le grand nombre de merveilles qu'il avait vues dans l'autre monde, et en les faisant mettre par écrit.
    On sait que Jésus fut appelé Christ, mot grec qui signifie oint, et sa doctrine christianisme, ou bien évangile, c'est-à-dire bonne nouvelle, parce qu'un jour du sabbat étant entré, selon sa coutume, dans la synagogue de Nazareth, où il avait été élevé, il se fit à lui-même l'application de ce passage d'Isaïe qu'il venait de lire: " L'esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a rempli de son onction, et m'a envoyé prêcher l'Évangile aux pauvres. " Il est vrai que tous ceux de la synagogue le chassèrent hors de leur ville, et le conduisirent jusqu'à la pointe de la montagne sur laquelle elle était bâtie, pour le précipiter , et ses proches vinrent pour se saisir de lui: car ils disaient et on leur disait qu'il avait perdu l'esprit. Or il n'est pas moins certain que Jésus déclara constamment qu'il n'était pas venu détruire la loi ou les prophètes, mais les accomplir.
    Cependant comme il ne laissa rien par écrit , ses premiers disciples furent partagés sur la fameuse question s'il fallait circoncire les gentils, et leur ordonner de garder la loi mosaïque. Les apôtres et les prêtres s'assemblèrent donc à Jérusalem pour examiner cette affaire; et après en avoir beaucoup conféré, ils écrivirent aux frères d'entre les gentils qui étaient à Antioche, en Syrie et en Cilicie, une lettre dont voici le précis: " Il a semblé bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous point imposer d'autre charge que celles-ci qui sont nécessaires: savoir, de vous abstenir des viandes immolées aux idoles, et du sang, et de la chair étouffée, et de la fornication. "
    La décision de ce concile n'empêcha pas que Pierre étant à Antioche ne discontinua de manger avec les gentils que lorsque plusieurs circoncis qui venaient d'auprès de Jacques furent arrivés. Mais Paul voyant qu'il ne marchait pas droit selon la vérité de l'Évangile, lui résista en face, et lui dit devant tout le monde: Si vous, qui êtes Juifs, vivez comme les gentils, et non pas comme les Juifs, pourquoi contraignez-vous les gentils à judaïser ? Pierre en effet vivait comme les gentils depuis que, dans un ravissement d'esprit , il avait vu le ciel ouvert, et comme une grande nappe qui descendait par les quatre coins du ciel en terre, dans laquelle il y avait de toutes sortes d'animaux terrestres à quatre pieds, de reptiles et d'oiseaux du ciel; et qu'il avait ouï une voix qui lui avait dit: Levez-vous, Pierre, tuez et mangez. Paul, qui reprenait si hautement Pierre d'user de cette dissimulation pour faire croire qu'il observait encore la loi, se servit lui-même à Jérusalem d'une feinte semblable. Se voyant accusé d'enseigner aux Juifs qui étaient parmi les gentils à renoncer à Moïse, il s'alla purifier dans le temple pendant sept jours, afin que tous sussent que ce qu'ils avaient ouï dire de lui était faux, mais qu'il continuait à garder la loi; et cela par le conseil de tous les prêtres assemblés chez Jacques, et ces prêtres étaient les mêmes qui avaient décidé avec le Saint-Esprit que ces observances légales n'étaient pas nécessaires.
    On distingua depuis les conciles en particuliers et en généraux. Les particuliers sont de trois sortes: les nationaux convoqués par le prince, par le patriarche ou par le primat; les provinciaux assemblés par le métropolitain ou l'archevêque; et les diocésains ou synodes célébrés par chaque évêque. Le décret suivant est tiré d'un de ces conciles tenus à Mâcon. " Tout laïque qui rencontrera en chemin un prêtre ou un diacre, lui présentera le cou pour s'appuyer; si le laïque et le prêtre sont tous deux à cheval, le laïque s'arrêtera et saluera révéremment le prêtre; enfin si le prêtre est à pied, et le laïque à cheval, le laïque descendra et ne remontera que lorsque l'ecclésiastique sera à une certaine distance. Le tout sous peine d'être interdit pendant aussi longtemps qu'il plaira au métropolitain. "
    La liste des conciles tient plus de seize pages in-folio dans le Dictionnaire de Moréri; les auteurs ne convenant pas d'ailleurs du nombre des conciles généraux, bornons-nous ici au résultat des huit premiers qui furent assemblés par ordre des empereurs.
    Deux prêtres d'Alexandrie ayant voulu savoir si Jésus était Dieu ou créature, ce ne fut pas seulement les évêques et les prêtres qui disputèrent, les peuples entiers furent divisés; le désordre vint à un tel point que les païens sur leurs théâtres tournaient en raillerie le christianisme. L'empereur Constantin commença par écrire en ces termes à l'évêque Alexander et au prêtre Arius, auteurs de la division: " Ces questions qui ne sont point nécessaires, et qui ne viennent que d'une oisiveté inutile, peuvent être faites pour exercer l'esprit; mais elles ne doivent pas être portées aux oreilles du peuple. Étant divisés pour un si petit sujet, il n'est pas juste que vous gouverniez selon vos pensées une si grande multitude du peuple de Dieu. Cette conduite est basse et puérile, indigne de prêtres et d'hommes sensés. Je ne le dis pas pour vous contraindre à vous accorder entièrement sur cette question frivole, quelle qu'elle soit. Vous pouvez conserver l'unité avec un différent particulier, pourvu que ces diverses opinions et ces subtilités demeurent secrètes dans le fond de la pensée. "
    L'empereur ayant appris le peu d'effet de sa lettre, résolut, par le conseil des évêques, de convoquer un concile oecuménique, c'est-à-dire de toute la terre habitable, et choisit, pour le lieu de l'assemblée, la ville de Nicée en Bithynie. Il s'y trouva deux mille quarante-huit évêques, qui tous, au rapport d'Eutychius , furent de sentiments et d'avis différents. Ce prince ayant eu la patience de les entendre disputer sur cette matière, fut très surpris de trouver parmi eux si peu d'unanimité; et l'auteur de la préface arabe de ce concile dit que les actes de ces disputes formaient quarante volumes.
    Ce nombre prodigieux d'évêques ne paraîtra pas incroyable, si l'on fait attention à ce que rapporte Usser cité par Selden , que saint Patrice, qui vivait dans le cinquième siècle, fonda 365 églises, et ordonna un pareil nombre d'évêques, ce qui prouve qu'alors chaque église avait son évêque, c'est-à-dire son surveillant. Il est vrai que par le canon XIII du concile d'Ancyre, on voit que les évêques des villes firent leur possible pour ôter les ordinations aux évêques de village, et les réduire à la condition de simples prêtres.
    On lut dans le concile de Nicée une lettre d'Eusèbe de Nicomédie, qui contenait l'hérésie manifestement, et découvrait la cabale du parti d'Arius. Il y disait, entre autres choses, que si l'on reconnaissait Jésus fils de Dieu incréé, il faudrait aussi le reconnaître consubstantiel au père. Voilà pourquoi Athanase, diacre d'Alexandrie, persuada aux Pères de s'arrêter au mot de consubstantiel, qui avait été rejeté comme impropre par le concile d'Antioche, tenu contre Paul de Samosate; mais c'est qu'il le prenait d'une manière grossière, et marquant de la division, comme on dit que plusieurs pièces de monnaie sont d'un même métal; au lieu que les orthodoxes expliquèrent si bien le terme de consubstantiel, que l'empereur lui-même comprit qu'il n'enfermait aucune idée corporelle, qu'il ne signifiait aucune division de la substance du père absolument immatérielle et spirituelle, et qu'il fallait l'entendre d'une manière divine et ineffable. Ils montrèrent encore l'injustice des ariens de rejeter ce mot, sous prétexte qu'il n'est pas dans l'Écriture, eux qui employaient tant de mots qui n'y sont point, en disant que le fils de Dieu était tiré du néant, et n'avait pas toujours été.
    Alors Constantin écrivit en même temps deux lettres pour publier les ordonnances du concile, et les faire connaître à ceux qui n'y avaient pas assisté. La première, adressée aux Églises en général, dit en beaucoup de paroles que la question de la foi a été examinée, et si bien éclaircie qu'il n'y est resté aucune difficulté. Dans la seconde, il dit entre autres à l'Église d'Alexandrie en particulier: Ce que trois cents évêques ont ordonné n'est autre chose que la sentence du fils unique de Dieu; le Saint-Esprit a déclaré la volonté de Dieu par ces grands hommes qu'il inspirait: donc que personne ne doute, que personne ne diffère; mais revenez tous de bon coeur dans le chemin de la vérité.
    Les écrivains ecclésiastiques ne sont pas d'accord sur le nombre des évêques qui souscrivirent à ce concile. Eusèbe n'en compte que deux cent cinquante; Eustathe d'Antioche, cité par Théodoret, deux cent soixante et dix; saint Athanase, dans son Épître aux solitaires, trois cents, comme Constantin; mais dans sa lettre aux Africains, il parle de trois cent dix-huit. Ces quatre auteurs sont cependant témoins oculaires, et très dignes de foi.
    Ce nombre de trois cent dix-huit, que le pape saint Léon appelle mystérieux, a été adopté par la plupart des Pères de l'Église. Saint Ambroise assure que le nombre de trois cent dix-huit évêques fut une preuve de la présence du Seigneur Jésus dans son concile de Nicée, parce que la croix désigne trois cents, et le nom de Jésus dix-huit. Saint Hilaire, en défendant le mot de consubstantiel approuvé dans le concile de Nicée quoique condamné cinquante-cinq ans auparavant dans le concile d'Antioche, raisonne ainsi: Quatre-vingts évêques ont rejeté le mot de consubstantiel, mais trois cent dix-huit l'ont reçu. Or, ce dernier nombre est pour moi un nombre saint, parce que c'est celui des hommes qui accompagnèrent Abraham, lorsque victorieux des rois impies il fut béni par celui qui est la figure du sacerdoce éternel. Enfin Selden rapporte que Dorothée, métropolitain de Monembase, disait qu'il y avait eu précisément trois cent dix-huit Pères à ce concile, parce qu'il s'était écoulé trois cent dix-huit ans depuis l'incarnation. Tous les chronologistes placent ce concile à l'an 325 de l'ère vulgaire, mais Dorothée en retranche sept ans pour faire cadrer sa comparaison; ce n'est là qu'une bagatelle: d'ailleurs on ne commença à compter les années depuis l'incarnation de Jésus qu'au concile de Lestines, l'an 743. Denys-le-Petit avait imaginé cette époque dans son cycle solaire de l'an 526, et Bède l'avait employée dans son Histoire ecclésiastique.
    Au reste on ne sera point étonné que Constantin ait adopté le sentiment de ces trois cents ou trois cent dix-huit évêques qui tenaient pour la divinité de Jésus, si l'on fait attention qu'Eusèbe de Nicomédie, un des principaux chefs du parti arien, avait été complice de la cruauté de Licinius, dans les massacres des évêques et dans la persécution des chrétiens. C'est l'empereur lui-même qui l'en accuse dans la lettre particulière qu'il écrivit à l'Église de Nicomédie. " Il a, dit-il, envoyé contre moi des espions pendant les troubles, et il ne lui manquait que de prendre les armes pour le tyran. J'en ai des preuves par les prêtres et les diacres de sa suite que j'ai pris. Pendant le concile de Nicée, avec quel empressement et quelle impudence a-t-il soutenu, contre le témoignage de sa conscience, l'erreur convaincue de tous côtés, tantôt en implorant ma protection, de peur qu'étant convaincu d'un si grand crime, il ne fût privé de sa dignité ! Il m'a circonvenu et surpris honteusement, et a fait passer toutes choses comme il a voulu. Encore depuis peu, voyez ce qu'il a fait avec Théognis. "
    Constantin veut parler de la fraude dont Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée usèrent en souscrivant. Dans le mot omousios ils insérèrent un iota qui faisait omoiousios, c'est-à-dire semblable en substance, au lieu que le premier signifie de même substance. On voit par là que ces évêques cédèrent à la crainte d'être déposés et bannis; car l'empereur avait menacé d'exil ceux qui ne voudraient pas souscrire. Aussi l'autre Eusèbe, évêque de Césarée, approuva le mot de consubstantiel, après l'avoir combattu le jour précédent.
    Cependant Théonas de Marmarique et Second de Ptolémaïque demeurèrent opiniâtrément attachés à Arius; et le concile les ayant condamnés avec lui, Constantin les exila, et déclara, par un édit, qu'on punirait de mort quiconque serait convaincu d'avoir caché quelque écrit d'Arius, au lieu de le brûler. Trois mois après, Eusèbe de Nicomédie et Théognis furent aussi envoyés en exil dans les Gaules. On dit qu'ayant gagné celui qui gardait les actes du concile par ordre de l'empereur, ils avaient effacé leurs souscriptions, et s'étaient mis à enseigner publiquement qu'il ne faut pas croire que le Fils soit consubstantiel au Père.
    Heureusement, pour remplacer leurs signatures et conserver le nombre mystérieux de trois cent dix-huit, on imagina de mettre le livre où étaient ces actes divisés par sessions, sur le tombeau de Chrysante et de Misonius, qui étaient morts pendant la tenue du concile; on y passa la nuit en oraison, et le lendemain il se trouva que ces deux évêques avaient signé.
    Ce fut par un expédient à peu près semblable que les Pères du même concile firent la distinction des livres authentiques de l'Écriture d'avec les apocryphes: les ayant placés tous pêle-mêle sur l'autel, les apocryphes tombèrent d'eux-mêmes par terre.
    Deux autres conciles assemblés l'an 359, par l'empereur Constance, l'un de plus de quatre cents évêques à Rimini, et l'autre de plus de cent cinquante à Séleucie, rejetèrent après de longs débats le mot consubstantiel, déjà condamné par un concile d'Antioche, comme nous l'avons dit; mais ces conciles ne sont reconnus que par les sociniens.
    Les Pères de Nicée avaient été si occupés de la consubstantialité du Fils, que sans faire aucune mention de l'Église dans leur symbole, ils s'étaient contentés de dire: Nous croyons aussi au Saint-Esprit. Cet oubli fut réparé au second concile général convoqué à Constantinople, l'an 381, par Théodose. Le Saint-Esprit y fut déclaré Seigneur et vivifiant, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes. Dans la suite l'Église latine voulut que le Saint-Esprit procédât encore du Fils, et le filioque fut ajouté au symbole, d'abord en Espagne, l'an 447, puis en France au concile de Lyon, l'an 1274, et enfin à Rome, malgré les plaintes des Grecs contre cette innovation.
    La divinité de Jésus une fois établie, il était naturel de donner à sa mère le titre de mère de Dieu: cependant le patriarche de Constantinople Nestorius soutint, dans ses sermons, que ce serait justifier la folie des païens, qui donnaient des mères à leurs dieux. Théodose-le-Jeune, pour décider cette grande question, fit assembler le troisième concile général à Éphèse, l'an 431, où Marie fut reconnue mère de Dieu.
    Une autre hérésie de Nestorius, également condamnée à Éphèse, était de reconnaître deux personnes en Jésus. Cela n'empêcha pas le patriarche Flavien de reconnaître dans la suite deux natures en Jésus. Un moine nommé Eutichès, qui avait déjà beaucoup crié contre Nestorius, assura, pour mieux les contredire l'un et l'autre, que Jésus n'avait aussi qu'une nature. Cette fois-ci le moine se trompa. Quoique son sentiment eût été soutenu l'an 449, à coups de bâton, dans un nombreux concile à Éphèse, Eutichès n'en fut pas moins anathématisé deux ans après par le quatrième concile général que l'empereur Marcien fit tenir à Chalcédoine, où deux natures furent assignées à Jésus.
    Restait à savoir combien, avec une personne et deux natures, Jésus devait avoir de volontés. Le cinquième concile général, qui, l'an 553, assoupit, par ordre de Justinien, les contestations touchant la doctrine de trois évêques, n'eut pas le loisir d'entamer cet important objet. Ce ne fut que l'an 680 que le sixième concile général, convoqué aussi à Constantinople par Constantin Pogonat, nous apprit que Jésus a précisément deux volontés; et ce concile, en condamnant les monothélites qui n'en admettaient qu'une, n'excepta pas de l'anathème le pape Honorius 1er qui, dans une lettre rapportée par Baronius , avait dit au patriarche de Constantinople: " Nous confessons une seule volonté dans Jésus-Christ. Nous ne voyons point que les conciles ni l'Écriture nous autorisent à penser autrement; mais de savoir si, à cause des oeuvres de divinité et d'humanité qui sont en lui, on doit entendre une ou deux opérations, c'est ce que je laisse aux grammairiens, et ce qui n'importe guère. " Ainsi Dieu permit que l'Église grecque et l'Église latine n'eussent rien à se reprocher à cet égard. Comme le patriarche Nestorius avait été condamné pour avoir reconnu deux personnes en Jésus, le pape Honorius le fut à son tour pour n'avoir confessé qu'une volonté dans Jésus.
    Le septième concile général, ou second de Nicée, fut assemblé, l'an 787, par Constantin , fils de Léon et d'Irène, pour rétablir l'adoration des images. Il faut savoir que deux conciles de Constantinople, le premier l'an 730, sous l'empereur Léon, et l'autre vingt-quatre ans après, sous Constantin Copronyme, s'étaient avisés de proscrire les images, conformément à la loi mosaïque et à l'usage des premiers siècles du christianisme. Aussi le décret de Nicée où il est dit que quiconque ne rendra pas aux images des saints le service, l'adoration, comme à la Trinité, sera jugé anathème, éprouva d'abord des contradictions; les évêques qui voulurent le faire recevoir l'an 789, dans un concile de Constantinople, en furent chassés par des soldats. Le même décret fut encore rejeté avec mépris, l'an 794, par le concile de Francfort et par les livres carolins que Charlemagne fit publier. Mais enfin le second concile de Nicée fut confirmé à Constantinople sous l'empereur Michel et Théodora sa mère, l'an 842, par un nombreux concile qui anathématisa les ennemis des saintes images. Il est remarquable que ce furent deux femmes, les impératrices Irène et Théodora, qui protégèrent les images.
    Passons au huitième concile général. Sous l'empereur Basile, Photius, ordonné à la place d'Ignace patriarche de Constantinople, fit condamner l'Église latine sur le filioque, et autres pratiques, par un concile de l'an 866; mais Ignace ayant été rappelé l'année suivante (le 23 novembre), un autre concile déposa Photius; et l'an 869 les Latins à leur tour condamnèrent l'Église grecque dans un concile appelé par eux huitième général, tandis que les Orientaux donnent ce nom à un autre concile, qui dix ans après annula ce qu'avait fait le précédent, et rétablit Photius.
    Ces quatre conciles se tinrent à Constantinople; les autres appelés généraux par les Latins, n'ayant été composés que des seuls évêques d'Occident, les papes, à la faveur des fausses décrétales, s'arrogèrent insensiblement le droit de les convoquer. Le dernier, assemblé à Trente depuis l'an 1545 jusqu'en 1563, n'a servi ni à ramener les ennemis de la papauté, ni à les subjuguer. Ses décrets sur la discipline n'ont été admis chez presque aucune nation catholique, et il n'a produit d'autre effet que de vérifier ces paroles de saint Grégoire de Nazianze: " Je n'ai jamais vu de concile qui ait eu une bonne fin et qui n'ait augmenté les maux plutôt que de les guérir. L'amour de la dispute et l'ambition règnent au-delà de ce qu'on peut dire dans toute assemblée d'évêques. "
    Cependant le concile de Constance, l'an 1415, ayant décidé qu'un concile général reçoit immédiatement de Jésus-Christ son autorité, à laquelle toute personne, de quelque État et dignité qu'elle soit, est obligée d'obéir dans ce qui concerne la foi; le concile de Basle ayant ensuite confirmé ce décret qu'il tient pour article de foi, et qu'on ne peut négliger sans renoncer au salut, on sent combien chacun est intéressé à se soumettre aux conciles.
SECTION II.
Notice des conciles généraux.
    Assemblée, conseil d'État, parlement, états-généraux, c'était autrefois la même chose parmi nous. On n'écrivait ni en celte, ni en germain, ni en espagnol, dans nos premiers siècles. Le peu qu'on écrivait était conçu en langue latine par quelques clercs; ils exprimaient toute assemblée de leudes, de herren, ou de ricos-hombres, ou de quelques prélats, par le mot de concilium. De là vient qu'on trouve, dans les sixième, septième et huitième siècles, tant de conciles qui n'étaient précisément que des conseils d'État.
    Nous ne parlerons ici que des grands conciles appelés généraux soit par l'Église grecque, soit par l'Église latine; on les nomma synodes à Rome comme en Orient dans les premiers siècles; car les Latins empruntèrent des Grecs les noms et les choses.
    En 325, grand concile dans la ville de Nicée, convoqué par Constantin. La formule de la décision est: " Nous croyons Jésus consubstantiel au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré et non fait. Nous croyons aussi au Saint-Esprit. "
    Il est dit dans le supplément appelé appendix, que les Pères du concile voulant distinguer les livres canoniques des apocryphes, les mirent tous sur l'autel, et que les apocryphes tombèrent par terre d'eux-mêmes.
    Nicéphore assure que deux évêques, Chrysante et Misonius, morts pendant les premières sessions, ressuscitèrent pour signer la condamnation d'Arius, et remoururent incontinent après.
    Baronius soutient le fait , mais Fleury n'en parle pas.
    En 359, l'empereur Constance assemble le grand concile de Rimini et de Séleucie, au nombre de six cents évêques, et d'un nombre prodigieux de prêtres. Ces deux conciles, correspondant ensemble, défont tout ce que le concile de Nicée a fait, et proscrivent la consubstantialité. Aussi fut-il regardé depuis comme faux concile.
    En 381, par les ordres de l'empereur Théodose, grand concile à Constantinople, de cent cinquante évêques, qui anathématisent le concile de Rimini. Saint Grégoire de Nazianze y préside; l'évêque de Rome y envoie des députés. On ajoute au symbole de Nicée: " Jésus-Christ s'est incarné par le Saint-Esprit et de la Vierge Marie. - Il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate. - Il a été enseveli, et il est ressuscité le troisième jour, suivant les Écritures. - Il est assis à la droite du Père. - Nous croyons aussi au Saint-Esprit, seigneur vivifiant qui procède du Père. "
    En 431, grand concile d'Éphèse, convoqué par l'empereur Théodose II. Nestorius, évêque de Constantinople, ayant persécuté violemment tous ceux qui n'étaient pas de son opinion sur des points de théologie, essuya des persécutions à son tour, pour avoir soutenu que la sainte Vierge Marie, mère de Jésus-Christ, n'était point mère de Dieu, parce que, disait-il, Jésus-Christ étant le verbe fils de Dieu consubstantiel à son père, Marie ne pouvait pas être à la fois la mère de Dieu le père et de Dieu le fils. Saint Cyrille s'éleva hautement contre lui. Nestorius demanda un concile oecuménique; il l'obtint. Nestorius fut condamné; mais Cyrille fut déposé par un comité du concile. L'empereur cassa tout ce qui s'était fait dans ce concile, ensuite permit qu'on se rassemblât. Les députés de Rome arrivèrent fort tard. Les troubles augmentant, l'empereur fit arrêter Nestorius et Cyrille. Enfin, il ordonna à tous les évêques de s'en retourner chacun dans son église, et il n'y eut point de conclusion. Tel fut le fameux concile d'Éphèse.
    En 449, grand concile encore à Éphèse, surnommé depuis le brigandage. Les évêques furent au nombre de cent trente. Dioscore, évêque d'Alexandrie, y présida. Il y eut deux députés de l'Église de Rome, et plusieurs abbés de moines. Il s'agissait de savoir si Jésus-Christ avait deux natures. Les évêques et tous les moines d'Égypte s'écrièrent qu'il fallait déchirer en deux tous ceux qui diviseraient en deux Jésus-Christ. Les deux natures furent anathématisées. On se battit en plein concile, ainsi qu'on s'était battu au petit concile de Cirthe, en 355, et au petit concile de Carthage.
    En 451, grand concile de Chalcédoine convoqué par Pulchérie, qui épousa Marcien, à condition qu'il ne serait que son premier sujet. Saint Léon, évêque de Rome, qui avait un très grand crédit, profitant des troubles que la querelle des deux natures excitait dans l'empire, présida au concile par ses légats; c'est le premier exemple que nous en ayons. Mais les Pères du concile craignant que l'Église d'Occident ne prétendît par cet exemple la supériorité sur celle d'Orient, décidèrent par le vingt-huitième canon que le siége de Constantinople et celui de Rome auraient également les mêmes avantages et les mêmes privilèges. Ce fut l'origine de la longue inimitié qui régna et qui règne encore entre les deux Églises.
    Ce concile de Chalcédoine établit les deux natures et une seule personne.
    Nicéphore rapporte qu'à ce même concile, les évêques, après une longue dispute au sujet des images, mirent chacun leur opinion par écrit dans le tombeau de sainte Euphémie, et passèrent la nuit en prières. Le lendemain les billets orthodoxes furent trouvés en la main de la sainte, et les autres à ses pieds.
    En 553, grand concile à Constantinople, convoqué par Justinien, qui se mêlait de théologie. Il s'agissait de trois petits écrits différents qu'on ne connaît plus aujourd'hui. On les appela les trois chapitres. On disputait aussi sur quelques passages d'Origène.
    L'évêque de Rome Vigile voulut y aller en personne; mais Justinien le fit mettre en prison. Le patriarche de Constantinople présida. Il n'y eut personne de l'Église latine, parce qu'alors le grec n'était plus entendu dans l'Occident, devenu tout-à-fait barbare.
    En 680, encore un concile général à Constantinople, convoqué par l'empereur Constantin-le-Barbu. C'est le premier concile appelé par les Latins in trullo, parce qu'il fut tenu dans un salon du palais impérial. L'empereur y présida lui-même. A sa droite étaient les patriarches de Constantinople et d'Antioche; à sa gauche les députés de Rome et de Jérusalem. On y décida que Jésus-Christ avait deux volontés. On y condamna le pape Honorius 1er comme monothélite, c'est-à-dire, qui voulait que Jésus-Christ n'eût eu qu'une volonté.
    En 787, second concile de Nicée, convoqué par Irène sous le nom de l'empereur Constantin son fils, auquel elle fit crever les yeux. Son mari Léon avait aboli le culte des images, comme contraire à la simplicité des premiers siècles, et favorisant l'idolâtrie: Irène le rétablit; elle parla elle-même dans le concile. C'est le seul qui ait été tenu par une femme. Deux légats du pape Adrien IV y assistèrent et ne parlèrent point, parce qu'ils n'entendaient point le grec; ce fut le patriarche Tarèze qui fit tout.
    Sept ans après, les Francs ayant entendu dire qu'un concile à Constantinople avait ordonné l'adoration des images, assemblèrent par l'ordre de Charles, fils de Pepin, nommé depuis Charlemagne, un concile assez nombreux à Francfort. On y traita le second concile de Nicée de " synode impertinent et arrogant, tenu en Grèce pour adorer des peintures. "
    En 842, grand concile à Constantinople, convoqué par l'impératrice Théodora. Culte des images solennellement établi. Les Grecs ont encore une fête en l'honneur de ce grand concile, qu'on appelle l'orthodoxie. Théodora n'y présida pas.
    En 861, grand concile à Constantinople, composé de trois cent dix-huit évêques, convoqué par l'empereur Michel. On y déposa saint Ignace, patriarche de Constantinople, et on élut Photius.
    En 869, autre grand concile à Constantinople, où le pape Nicolas 1er est déposé par contumace et excommunié.
    En 866, autre grand concile à Constantinople, où Photius est excommunié et déposé à son tour, et saint Ignace rétabli.
    En 879, autre grand concile à Constantinople, où Photius, déjà rétabli, est reconnu pour vrai patriarche par les légats du pape Jean VIII. On y traite de conciliabule le grand concile oecuménique où Photius avait été déposé.
    Le pape Jean VIII déclare Judas tous ceux qui disent que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils.
    En 1122 et 23, grand concile à Rome, tenu dans l'église de Saint-Jean de Latran, par le pape Calixte II. C'est le premier concile général que les papes convoquèrent. Les empereurs d'Occident n'avaient presque plus d'autorité; et les empereurs d'Orient, pressés par les mahométans et par les croisés, ne tenaient plus que de chétifs petits conciles.
    Au reste, on ne sait pas trop ce que c'est que Latran. Quelques petits conciles avaient été déjà convoqués dans Latran. Les uns disent que c'était une maison bâtie par un nommé Latranus, du temps de Néron; les autres, que c'est l'église de Saint-Jean même bâtie par l'évêque Silvestre.
    Les évêques, dans ce concile, se plaignirent fortement des moines: " Ils possèdent, disent-ils, les églises, les terres, les châteaux, les dîmes, les offrandes des vivants et des morts; il ne leur reste plus qu'à nous ôter la crosse et l'anneau. " Les moines restèrent en possession.
    En 1139, autre grand concile de Latran, par le pape Innocent II; il y avait, dit-on, mille évêques. C'est beaucoup. On y déclara les dîmes ecclésiastiques de droit divin, et on excommunia les laïques qui en possédaient.
    En 1179, autre grand concile de Latran, par le pape Alexandre III; il y eut trois cent deux évêques latins et un abbé grec. Les décrets furent tous de discipline. La pluralité des bénéfices y fut défendue.
    En 1215, dernier concile général de Latran, par Innocent III; quatre cent douze évêques, huit cents abbés. Dès ce temps, qui était celui des croisades, les papes avaient établi un patriarche latin à Jérusalem, et un à Constantinople. Ces patriarches vinrent au concile. Ce grand concile dit que " Dieu ayant donné aux hommes la doctrine salutaire par Moïse, fit naître enfin son fils d'une vierge pour montrer le chemin plus clairement; que personne ne peut être sauvé hors de l'Église catholique. "
    Le mot de transsubstantiation ne fut connu qu'après ce concile. Il y fut défendu d'établir de nouveaux ordres religieux: mais depuis ce temps on en a formé quatre-vingts.
    Ce fut dans ce concile qu'on dépouilla Raimond, comte de Toulouse, de toutes ses terres.
    En 1245, grand concile à Lyon, ville impériale. Innocent IV y mène l'empereur de Constantinople, Jean Paléologue, qu'il fait asseoir à côté de lui. Il y dépose l'empereur Frédéric II, comme félon; il donne un chapeau rouge aux cardinaux, signe de guerre contre Frédéric. Ce fut la source de trente ans de guerres civiles.
    En 1274, autre concile général à Lyon. Cinq cents évêques, soixante et dix gros abbés, et mille petits. L'empereur grec Michel Paléologue, pour avoir la protection du pape, envoie son patriarche grec Théophane et un évêque de Nicée pour se réunir en son nom à l'Église latine. Mais ces évêques sont désavoués par l'Église grecque.
    En 1311, le pape Clément V indique un concile général dans la petite ville de Vienne en Dauphiné. Il y abolit l'ordre des Templiers. On ordonne de brûler les bégares, béguins et béguines, espèce d'hérétiques auxquels on imputait tout ce qu'on avait imputé autrefois aux premiers chrétiens.
    En 1414, grand concile de Constance, convoqué enfin par un empereur qui rentre dans ses droits. C'est Sigismond. On y dépose le pape Jean XXIII, convaincu de plusieurs crimes. On y brûle Jean Hus et Jérôme de Prague, convaincus d'opiniâtreté.
    En 1431, grand concile de Basle, où l'on dépose en vain le pape Eugène IV, qui fut plus habile que le concile.
    En 1438, grand concile à Ferrare, transféré à Florence, où le pape excommunié excommunie le concile, et le déclare criminel de lèse-majesté. On y fit une réunion feinte avec l'Église grecque, écrasée par les synodes turcs qui se tenaient le sabre à la main.
    Il ne tint pas au pape Jules II que son concile de Latran, en 1512, ne passât pour un concile oecuménique. Ce pape y excommunia solennellement le roi de France Louis XII, mit la France en interdit, cita tout le parlement de Provence à comparaître devant lui; il excommunia tous les philosophes, parce que la plupart avaient pris le parti de Louis XII. Cependant, ce concile n'a point le titre de brigandage comme celui d'Éphèse.
    En 1537, concile de Trente, convoqué d'abord par le pape Paul III, à Mantoue, et ensuite à Trente, en 1545, terminé en décembre 1563, sous Pie IV. Les princes catholiques le reçurent quant au dogme, et deux ou trois quant à la discipline.
    On croit qu'il n'y aura désormais pas plus de conciles généraux qu'il n'y aura d'états généraux en France et en Espagne.
    Il y a dans le Vatican un beau tableau qui contient la liste des conciles généraux. On n'y a inscrit que ceux qui sont approuvés par la cour de Rome: chacun met ce qu'il veut dans ses archives.
SECTION III.
    Tous les conciles sont infaillibles, sans doute; car ils sont composés d'hommes.
    Il est impossible que jamais les passions, les intrigues, l'esprit de dispute, la haine, la jalousie, le préjugé, l'ignorance, règnent dans ces assemblées.
    Mais pourquoi, dira-t-on, tant de conciles ont-ils été opposés les uns aux autres ? C'est pour exercer notre foi; ils ont tous eu raison chacun dans leur temps.
    On ne croit aujourd'hui, chez les catholiques romains, qu'aux conciles approuvés dans le Vatican; et on ne croit, chez les catholiques grecs, qu'à ceux approuvés dans Constantinople. Les protestants se moquent des uns et des autres; ainsi tout le monde doit être content.
    Nous ne parlerons ici que des grands conciles; les petits n'en valent pas la peine.
    Le premier est celui de Nicée. Il fut assemblé en 325 de l'ère vulgaire, après que Constantin eut écrit et envoyé par Ozius cette belle lettre au clergé un peu brouillon d'Alexandrie: " Vous vous querellez pour un sujet bien mince. Ces subtilités sont indignes de gens raisonnables. " Il s'agissait de savoir si Jésus était créé, ou incréé. Cela ne touchait en rien la morale, qui est l'essentiel. Que Jésus ait été dans le temps, ou avant le temps, il n'en faut pas moins être homme de bien. Après beaucoup d'altercations, il fut enfin décidé que le Fils était aussi ancien que le Père, et consubstantiel au Père. Cette décision ne s'entend guère; mais elle n'en est que plus sublime. Dix-sept évêques protestent contre l'arrêt, et une ancienne chronique d'Alexandrie, conservée à Oxford, dit que deux mille prêtres protestèrent aussi; mais les prélats ne font pas grand cas des simples prêtres, qui sont d'ordinaire pauvres. Quoi qu'il en soit, il ne fut point du tout question de la Trinité dans ce premier concile. La formule porte: " Nous croyons Jésus consubstantiel au Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré et non fait; nous croyons aussi au Saint-Esprit. " Le Saint-Esprit, il faut l'avouer, fut traité bien cavalièrement.
    Il est rapporté dans le supplément du concile de Nicée, que les Pères étant fort embarrassés pour savoir quels étaient les livres cryphes ou apocryphes de l'ancien et du nouveau Testament, les mirent tous pêle-mêle sur un autel; et les livres à rejeter tombèrent par terre. C'est dommage que cette belle recette soit perdue de nos jours.
    Après le premier concile de Nicée, composé de trois cent dix-sept évêques infaillibles, il s'en tint un autre à Rimini; et le nombre des infaillibles fut cette fois de quatre cents, sans compter un gros détachement à Séleucie d'environ deux cents. Ces six cents évêques, après quatre mois de querelles, ôtèrent unanimement à Jésus sa consubstantialité. Elle lui a été rendue depuis, excepté chez les sociniens: ainsi tout va bien.
    Un des grands conciles est celui d'Éphèse, en 431; l'évêque de Constantinople Nestorius, grand persécuteur d'hérétiques, fut condamné lui-même comme hérétique, pour avoir soutenu qu'à la vérité Jésus était bien Dieu, mais que sa mère n'était pas absolument mère de Dieu, mais mère de Jésus. Ce fut saint Cyrille qui fit condamner Nestorius; mais aussi les partisans de Nestorius firent déposer saint Cyrille dans le même concile; ce qui embarrassa fort le Saint-Esprit.
    Remarquez ici, lecteur, bien soigneusement, que l'Évangile n'a jamais dit un mot, ni de la consubstantialité du Verbe, ni de l'honneur qu'avait eu Marie d'être mère de Dieu, non plus que des autres disputes qui ont fait assembler des conciles infaillibles.
    Eutichès était un moine qui avait beaucoup crié contre Nestorius, dont l'hérésie n'allait pas moins qu'à supposer deux personnes en Jésus; ce qui est épouvantable. Le moine, pour mieux contredire son adversaire, assure que Jésus n'avait qu'une nature. Un Flavien, évêque de Constantinople, lui soutint qu'il fallait absolument qu'il y eût deux natures en Jésus. On assemble un concile nombreux à Éphèse, en 449; celui-là se tint à coups de bâton, comme le petit concile de Cirthe, en 355, et certaine conférence à Carthage. La nature de Flavien fut moulue de coups, et deux natures furent assignées à Jésus. Au concile de Chalcédoine, en 451, Jésus fut réduit à une nature.
    Je passe des conciles tenus pour des minuties, et je viens au sixième concile général de Constantinople, assemblé pour savoir au juste si Jésus, qui, après n'avoir eu qu'une nature pendant quelque temps, en avait deux alors, avait aussi deux volontés. On sent combien cela est important pour plaire à Dieu.
    Ce concile fut convoqué par Constantin-le-Barbu, comme tous les autres l'avaient été par les empereurs précédents: les légats de l'évêque de Rome eurent la gauche; les patriarches de Constantinople et d'Antioche eurent la droite. Je ne sais si les caudataires à Rome prétendent que la gauche est la place d'honneur. Quoi qu'il en soit, Jésus, de cette affaire-là, obtint deux volontés.
    La loi mosaïque avait défendu les images. Les peintres et les sculpteurs n'avaient pas fait fortune chez les Juifs. On ne voit pas que Jésus ait jamais eu de tableaux, excepté peut-être celui de Marie, peinte par Luc. Mais enfin Jésus-Christ ne recommande nulle part qu'on adore les images. Les chrétiens les adorèrent pourtant vers la fin du quatrième siècle, quand ils se furent familiarisés avec les beaux-arts. L'abus fut porté si loin au huitième siècle, que Constantin Copronyme assembla à Constantinople un concile de trois cent vingt évêques, qui anathématisa le culte des images, et qui le traita d'idolâtrie.
    L'impératrice Irène, la même qui depuis fit arracher les yeux à son fils, convoqua le second concile de Nicée en 787: l'adoration des images y fut rétablie. On veut aujourd'hui justifier ce concile, en disant que cette adoration était un culte de dulie, et non de latrie.
    Mais, soit de latrie, soit de dulie, Charlemagne, en 794, fit tenir à Francfort un autre concile qui traita le second de Nicée d'idolâtrie. Le pape Adrien IV y envoya deux légats, et ne le convoqua pas.
    Le premier grand concile convoqué par un pape fut le premier de Latran, en 1139; il y eut environ mille évêques; mais on n'y fit presque rien, sinon qu'on anathématisa ceux qui disaient que l'Église était trop riche.
    Autre concile de Latran, en 1179, tenu par le pape Alexandre III, où les cardinaux, pour la première fois, prirent le pas sur les évêques: il ne fut question que de discipline.
    Autre grand concile de Latran, en 1215. Le pape Innocent III y dépouilla le comte de Toulouse de tous ses biens, en vertu de l'excommunication. C'est le premier concile qui ait parlé de transsubstantiation.
    En 1245, concile général de Lyon, ville alors impériale, dans laquelle le pape Innocent IV excommunia l'empereur Frédéric II, et par conséquent le déposa, et lui interdit le feu et l'eau: c'est dans ce concile qu'on donna aux cardinaux un chapeau rouge, pour les faire souvenir qu'il faut se baigner dans le sang des partisans de l'empereur. Ce concile fut la cause de la destruction de la maison de Souabe, et de trente ans d'anarchie dans l'Italie et dans l'Allemagne.
    Concile général à Vienne en Dauphiné, en 1311, où l'on abolit l'ordre des Templiers, dont les principaux membres avaient été condamnés aux plus horribles supplices, sur les accusations les moins prouvées.
    En 1414, le grand concile de Constance, où l'on se contenta de démettre le pape Jean XXIII, convaincu de mille crimes, et où l'on brûla Jean Hus et Jérôme de Prague, pour avoir été opiniâtres, attendu que l'opiniâtreté est un bien plus grand crime que le meurtre, le rapt, la simonie, et la sodomie.
    En 1431, le grand concile de Basle, non reconnu à Rome, parce qu'on y déposa le pape Eugène IV, qui ne se laissa point déposer.
    Les Romains comptent pour concile général le cinquième concile de Latran, en 1512, convoqué contre Louis XII, roi de France, par le pape Jules II; mais ce pape guerrier étant mort, ce concile s'en alla en fumée.
    Enfin, nous avons le grand concile de Trente, qui n'est pas reçu en France pour la discipline; mais le dogme en est incontestable, puisque le Saint-Esprit arrivait de Rome à Trente, toutes les semaines, dans la malle du courrier, à ce que dit Fra-Paolo Sarpi; mais Fra-Paolo Sarpi sentait un peu l'hérésie.

Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.

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