DROIT CANONIQUE

DROIT CANONIQUE
Idée générale du droit canonique, par M. Bertrand, ci-devant premier pasteur de l'église de Berne.
    " Nous ne prétendons ni adopter ni contredire ses principes; c'est au public d'en juger. "
    Le droit canonique, ou canon, est, suivant les idées vulgaires, la jurisprudence ecclésiastique: c'est le recueil des canons, des règles des conciles, des décrets des papes, et des maximes des Pères.
    Selon la raison, selon les droits des rois et des peuples, la jurisprudence ecclésiastique n'est et ne peut être que l'exposé des privilèges accordés aux ecclésiastiques par les souverains représentant la nation.
    S'il est deux autorités suprêmes, deux administrations qui aient leurs droits séparés, l'une fera sans cesse effort contre l'autre; il en résultera nécessairement des chocs perpétuels, des guerres civiles, l'anarchie, la tyrannie, malheurs dont l'histoire nous présente l'affreux tableau.
    Si un prêtre s'est fait souverain, si le daïri du Japon a été roi jusqu'à notre seizième siècle, si le dalaï-lama est souverain au Thibet, si Numa fut roi et pontife, si les califes furent les chefs de l'État et de la religion, si les papes règnent dans Rome, ce sont autant de preuves de ce que nous avançons; alors l'autorité n'est point divisée, il n'y a qu'une puissance. Les souverains de Russie et d'Angleterre président à la religion; l'unité essentielle de puissance est conservée.
    Toute religion est dans l'État, tout prêtre est dans la société civile, et tous les ecclésiastiques sont au nombre des sujets du souverain chez lequel ils exercent leur ministère. S'il était une religion qui établît quelque indépendance en faveur des ecclésiastiques, en les soustrayant à l'autorité souveraine et légitime, cette religion ne saurait venir de Dieu, auteur de la société.
    Il est par là même de toute évidence que, dans une religion dont Dieu est représenté comme l'auteur, les fonctions des ministres, leurs personnes, leurs biens, leurs prétentions, la manière d'enseigner la morale, de prêcher le dogme, de célébrer les cérémonies, les peines spirituelles; que tout, en un mot, ce qui intéresse l'ordre civil, doit être soumis à l'autorité du prince et à l'inspection des magistrats.
    Si cette jurisprudence fait une science, on en trouvera ici les éléments.
    C'est aux magistrats seuls d'autoriser les livres admissibles dans les écoles, selon la nature et la forme du gouvernement. C'est ainsi que M. Paul-Joseph Rieger, conseiller de cour, enseigne judicieusement le droit canonique dans l'université de Vienne; ainsi nous voyons la république de Venise examiner et réformer toutes les règles établies dans ses états qui ne lui conviennent plus. Il est à désirer que des exemples aussi sages soient enfin suivis dans toute la terre.
SECTION PREMIÈRE.
Du ministère ecclésiastique.
    La religion n'est instituée que pour maintenir les hommes dans l'ordre, et leur faire mériter les bontés de Dieu par la vertu. Tout ce qui dans une religion ne tend pas à ce but, doit être regardé comme étranger ou dangereux.
    L'instruction, les exhortations, les menaces des peines à venir, les promesses d'une béatitude immortelle, les prières, les conseils, les secours spirituels, sont les seuls moyens que les ecclésiastiques puissent mettre en usage pour essayer de rendre les hommes vertueux ici-bas, et heureux pour l'éternité.
    Tout autre moyen répugne à la liberté de la raison, à la nature de l'âme, aux droits inaltérables de la conscience, à l'essence de la religion, à celle du ministère ecclésiastique, à tous les droits du souverain.
    La vertu suppose la liberté, comme le transport d'un fardeau suppose la force active. Dans la contrainte point de vertu, et sans vertu point de religion. Rends-moi esclave, je n'en serai pas meilleur.
    Le souverain même n'a aucun droit d'employer la contrainte pour amener les hommes à la religion, qui suppose essentiellement choix et liberté. Ma pensée n'est pas plus soumise à l'autorité que la maladie ou la santé.
    Afin de démêler toutes les contradictions dont on a rempli les livres sur le droit canonique, et de fixer nos idées sur le ministère ecclésiastique, recherchons au milieu de mille équivoques ce que c'est que l'Église.
    L'Église est l'assemblée de tous les fidèles appelés certains jours à prier en commun, et à faire en tout temps de bonnes actions.
    Les prêtres sont des personnes établies sous l'autorité du souverain pour diriger ces prières et tout le culte religieux.
    Une Église nombreuse ne saurait être sans ecclésiastiques; mais ces ecclésiastiques ne sont pas l'Église.
    Il n'est pas moins évident que si les ecclésiastiques qui sont dans la société civile avaient acquis des droits qui allassent à troubler ou à détruire la société, ces droits doivent être supprimés.
    Il est encore de la plus grande évidence que si Dieu a attaché à l'Église des prérogatives ou des droits, ces droits ni ces prérogatives ne sauraient appartenir primitivement ni au chef de l'Église ni aux ecclésiastiques, parce qu'ils ne sont pas l'Église, comme les magistrats ne sont le souverain ni dans un état démocratique ni dans une monarchie.
    Enfin il est très évident que ce sont nos âmes qui sont soumises aux soins du clergé, uniquement pour les choses spirituelles.
    Notre âme agit intérieurement; les actes intérieurs sont la pensée, les volontés, les inclinations, l'acquiescement à certaines vérités. Tous ces actes sont au-dessus de toute contrainte, et ne sont du ressort du ministère ecclésiastique qu'autant qu'il doit instruire et jamais commander.
    Cette âme agit aussi extérieurement. Les actions extérieures sont soumises à la loi civile. Ici la contrainte peut avoir lieu; les peines temporelles ou corporelles maintiennent la loi en punissant les violateurs.
    La docilité à l'ordre ecclésiastique doit par conséquent toujours être libre et volontaire: il ne saurait y en avoir d'autre. La soumission, au contraire, à l'ordre civil peut être contrainte et forcée.
    Par la même raison, les peines ecclésiastiques, toujours spirituelles, n'atteignent ici-bas que celui qui est intérieurement convaincu de sa faute. Les peines civiles, au contraire, accompagnées d'un mal physique, ont leurs effets physiques, soit que le coupable en reconnaisse la justice ou non.
    De là il résulte manifestement que l'autorité du clergé n'est et ne peut être que spirituelle; qu'il ne saurait avoir aucun pouvoir temporel; qu'aucune force coactive ne convient à son ministère, qui en serait détruit.
    Il suit encore de là que le souverain, attentif à ne souffrir aucun partage de son autorité, ne doit permettre aucune entreprise qui mette les membres de la société dans une dépendance extérieure et civile d'un corps ecclésiastique.
    Tels sont les principes incontestables du véritable droit canonique, dont les règles et les décisions doivent en tout temps être jugées d'après ces vérités éternelles et immuables, fondées sur le droit naturel et l'ordre nécessaire de la société.
SECTION II.
Des possessions des ecclésiastiques.
    Remontons toujours aux principes de la société, qui, dans l'ordre civil comme dans l'ordre religieux, sont les fondements de tous droits.
    La société en général est propriétaire du territoire d'un pays, source de la richesse nationale. Une portion de ce revenu national est attribuée au souverain pour soutenir les dépenses de l'administration. Chaque particulier est possesseur de la partie du territoire et du revenu que les lois lui assurent, et aucune possession ni aucune jouissance ne peut en aucun temps être soustraite à l'autorité de la loi.
    Dans l'état de société nous ne tenons aucun bien, aucune possession de la seule nature, puisque nous avons renoncé aux droits naturels pour nous soumettre à l'ordre civil qui nous garantit et nous protége; c'est de la loi que nous tenons toutes nos possessions.
    Personne non plus ne peut rien tenir sur la terre de la religion, ni domaines ni possessions, puisque ses biens sont tous spirituels: les possessions du fidèle, comme véritable membre de l'Église, sont dans le ciel; là est son trésor. Le royaume de Jésus-Christ, qu'il annonça toujours comme prochain, n'était et ne pouvait être de ce monde: aucune possession ne peut donc être de droit divin.
    Les lévites, sous la loi hébraïque, avaient, il est vrai, la dîme par une loi positive de Dieu: mais c'était une théocratie qui n'existe plus; et Dieu agissait comme le souverain de la terre. Toutes ces lois ont cessé, et ne sauraient être aujourd'hui un titre de possession.
    Si quelque corps aujourd'hui, comme celui des ecclésiastiques, prétend posséder la dîme ou tout autre bien, de droit divin positif, il faut qu'il produise un titre enregistré dans une révélation divine, expresse et incontestable. Ce titre miraculeux ferait, j'en conviens, exception à la loi civile, autorisée de Dieu, qui dit que " toute personne doit être soumise aux puissances supérieures, parce qu'elles sont ordonnées de Dieu, et établies en son nom. "
    Au défaut d'un titre pareil, un corps ecclésiastique quelconque ne peut donc jouir sur la terre que du consentement du souverain, et sous l'autorité des lois civiles: ce sera là le seul titre de ses possessions. Si le clergé renonçait imprudemment à ce titre, il n'en aurait plus aucun, et il pourrait être dépouillé par quiconque aurait assez de puissance pour l'entreprendre. Son intérêt essentiel est donc de dépendre de la société civile, qui seule lui donne du pain.
    Par la même raison, puisque tous les biens du territoire d'une nation sont soumis sans exception aux charges publiques pour les dépenses du souverain et de la nation, aucune possession ne peut être exemptée que par la loi; et cette loi même est toujours révocable lorsque les circonstances viennent à changer. Pierre ne peut être exempté que la charge de Jean ne soit augmentée. Ainsi l'équité réclamant sans cesse pour la proportion contre toute surcharge, le souverain est à chaque instant en droit d'examiner les exemptions et de remettre les choses dans l'ordre naturel et proportionnel, en abolissant les immunités accordées, souffertes, ou extorquées.
    Toute loi qui ordonnerait que le souverain fît tout aux frais du public pour la sûreté et la conservation des biens d'un particulier ou d'un corps, sans que ce corps ou ce particulier contribuât aux charges communes, serait une subversion des lois.
    Je dis plus; la quotité quelconque de la contribution d'un particulier ou d'un corps quelconque doit être réglée proportionnellement, non par lui, mais par le souverain ou les magistrats, selon la loi et la forme générale. Ainsi le souverain doit connaître et peut demander un état des biens et des possessions de tout corps, comme de tout particulier.
    C'est donc encore dans ces principes immuables que doivent être puisées les règles du droit canonique, par rapport aux possessions et aux revenus du clergé.
    Les ecclésiastiques doivent sans doute avoir de quoi vivre honorablement, mais ce n'est ni comme membres ni comme représentants de l'Église; car l'Église par elle-même n'a ni règne ni possession sur cette terre.
    Mais s'il est de la justice que les ministres de l'autel vivent de l'autel, il est naturel qu'ils soient entretenus par la société, tout comme les magistrats et les soldats le sont. C'est donc à la loi civile à faire la pension proportionnelle du corps ecclésiastique.
    Lors même que les possessions des ecclésiastiques leur ont été données par testament, ou de quelque autre manière, les donateurs n'ont pu dénaturer les biens en les soustrayant aux charges publiques, ou à l'autorité des lois. C'est toujours sous la garantie des lois, sans lesquelles il ne saurait y avoir possession assurée et légitime, qu'ils en jouiront.
    C'est donc encore au souverain, ou aux magistrats en son nom, à examiner en tout temps si les revenus ecclésiastiques sont suffisants: s'ils ne l'étaient pas, ils doivent y pourvoir par des augmentations de pensions; mais s'ils étaient manifestement excessifs, c'est à eux à disposer du superflu pour le bien commun de la société.
    Mais selon les principes du droit vulgairement appelé canonique, qui a cherché à faire un État dans l'État, un empire dans l'empire, les biens ecclésiastiques sont sacrés et intangibles, parce qu'ils appartiennent à la religion et à l'Église; ils viennent de Dieu, et non des hommes.
    D'abord, ils ne sauraient appartenir, ces biens terrestres, à la religion, qui n'a rien de temporel. Ils ne sont pas à l'Église, qui est le corps universel de tous les fidèles; à l'Église qui renferme les rois, les magistrats, les soldats, tous les sujets; car nous ne devons jamais oublier que les ecclésiastiques ne sont pas plus l'Église que les magistrats ne sont l'État.
    Enfin, ces biens ne viennent de Dieu que comme tous les autres biens en dérivent, parce que tout est soumis à sa providence.
    Ainsi tout ecclésiastique possesseur d'un bien ou d'une rente en jouit comme sujet et citoyen de l'État, sous la protection unique de la loi civile.
    Un bien qui est quelque chose de matériel et de temporel ne saurait être sacré ni saint dans aucun sens, ni au propre ni au figuré. Si l'on dit qu'une personne, un édifice, sont sacrés, cela signifie qu'ils sont consacrés, employés à des usages spirituels.
    Abuser d'une métaphore pour autoriser des droits et des prétentions destructives de toute société, c'est une entreprise dont l'histoire de la religion fournit plus d'un exemple, et même des exemples bien singuliers qui ne sont pas ici de mon ressort.
SECTION III.
Des assemblées ecclésiastiques ou religieuses.
    Il est certain qu'aucun corps ne peut former dans l'État aucune assemblée publique et régulière que du consentement du souverain.
    Les assemblées religieuses pour le culte doivent être autorisées par le souverain dans l'ordre civil, afin qu'elles soient légitimes.
    En Hollande, où le souverain accorde à cet égard la plus grande liberté, de même à peu près qu'en Russie, en Angleterre, en Prusse, ceux qui veulent former une Église doivent en obtenir la permission: dès lors cette Église est dans l'État, quoiqu'elle ne soit pas la religion de l'État. En général, dès qu'il y a un nombre suffisant de personnes ou de familles qui veulent avoir un certain culte et des assemblées, elles peuvent, sans doute, en demander la permission au magistrat souverain; et c'est à ce magistrat à en juger. Ce culte une fois autorisé, on ne peut le troubler sans pécher contre l'ordre public. La facilité que le souverain a eue en Hollande d'accorder ces permissions n'entraîne aucun désordre; et il en serait ainsi partout, si le magistrat seul examinait, jugeait, et protégeait.
    Le souverain a le droit en tout temps de savoir ce qui se passe dans les assemblées, de les diriger selon l'ordre public, d'en réformer les abus, et d'abroger les assemblées s'il en naissait des désordres. Cette inspection perpétuelle est une portion essentielle de l'administration souveraine que toute religion doit reconnaître.
    S'il y a dans le culte des formulaires de prières, des cantiques, des cérémonies, tout doit être soumis de même à l'inspection du magistrat. Les ecclésiastiques peuvent composer ces formulaires; mais c'est au souverain à les examiner, à les approuver, à les réformer au besoin. On a vu des guerres sanglantes pour des formulaires, et elles n'auraient pas eu lieu si les souverains avaient mieux connu leurs droits.
    Les jours de fêtes ne peuvent pas non plus être établis sans le concours et le consentement du souverain, qui en tout temps peut les réformer, les abolir, les réunir, en régler la célébration, selon que le bien public le demande. La multiplication de ces jours de fêtes fera toujours la dépravation des moeurs et l'appauvrissement d'une nation.
    L'inspection sur l'instruction publique de vive voix, ou par des livres de dévotion, appartient de droit au souverain. Ce n'est pas lui qui enseigne, mais c'est à lui à voir comment sont enseignés ses sujets. Il doit faire enseigner surtout la morale, qui est aussi nécessaire que les disputes sur le dogme ont été souvent dangereuses.
    S'il y a quelques disputes entre les ecclésiastiques sur la manière d'enseigner, ou sur certains points de doctrine, le souverain peut imposer silence aux deux partis, et punir ceux qui désobéissent.
    Comme les assemblées religieuses ne sont point établies sous l'autorité souveraine pour y traiter des matières politiques, les magistrats doivent réprimer les prédicateurs séditieux qui échauffent la multitude par des déclamations punissables; ils sont la peste des états.
    Tout culte suppose une discipline pour y conserver l'ordre, l'uniformité, et la décence. C'est au magistrat à maintenir cette discipline, et à y porter les changements que le temps et les circonstances peuvent exiger.
    Pendant près de huit siècles les empereurs d'Orient assemblèrent des conciles pour apaiser des troubles qui ne firent qu'augmenter, par la trop grande attention qu'on y apporta: le mépris aurait plus sûrement fait tomber de vaines disputes que les passions avaient allumées. Depuis le partage des états d'Occident en divers royaumes, les princes ont laissé aux papes la convocation de ces assemblées. Les droits du pontife de Rome ne sont à cet égard que conventionnels, et tous les souverains réunis peuvent en tout temps en décider autrement. Aucun d'eux en particulier n'est obligé de soumettre ses états à aucun canon sans l'avoir examiné et approuvé. Mais comme le concile de Trente sera apparemment le dernier, il est très inutile d'agiter toutes les questions qui pourraient regarder un concile futur et général.
    Quant aux assemblées, ou synodes, ou conciles nationaux, ils ne peuvent sans contredit être convoqués que quand le souverain les juge nécessaires: ses commissaires doivent y présider et en diriger toutes les délibérations, et c'est à lui à donner la sanction aux décrets.
    Il peut y avoir des assemblées périodiques du clergé pour le maintien de l'ordre, et sous l'autorité du souverain; mais la puissance civile doit toujours en déterminer les vues, en diriger les délibérations, et en faire exécuter les décisions. L'assemblée périodique du clergé de France n'est autre chose qu'une assemblée de commissaires économiques pour tout le clergé du royaume.
    Les voeux par lesquels s'obligent quelques ecclésiastiques de vivre en corps selon une certaine règle, sous le nom de moines ou de religieux, si prodigieusement multipliés dans l'Europe, ces voeux doivent aussi être toujours soumis à l'examen et à l'inspection des magistrats souverains. Ces couvents qui renferment tant de gens inutiles à la société, et tant de victimes qui regrettent la liberté qu'ils ont perdue, ces ordres qui portent tant de noms si bizarres, ne peuvent être établis dans un pays, et tous leurs voeux ne peuvent être valables ou obligatoires que quand ils ont été examinés et approuvés au nom du souverain.
    En tout temps le prince est donc en droit de prendre connaissance des règles de ces maisons religieuses, de leur conduite; il peut réformer ces maisons et les abolir, s'il les juge incompatibles avec les circonstances présentes et le bien actuel de la société.
    Les biens et les acquisitions de ces corps religieux sont de même soumis à l'inspection des magistrats pour en connaître la valeur et l'emploi. Si la masse de ces richesses qui ne circulent plus était trop forte; si les revenus excédaient trop les besoins raisonnables de ces réguliers; si l'emploi de ces rentes était contraire au bien général; si cette accumulation appauvrissait les autres citoyens; dans tous ces cas il serait du devoir des magistrats, pères communs de la patrie, de diminuer ces richesses, de les partager, de les faire rentrer dans la circulation qui fait la vie d'un État, de les employer même à d'autres usages pour le bien de la société.
    Par les mêmes principes, le souverain doit expressément défendre qu'aucun ordre religieux ait un supérieur dans le pays étranger: c'est presque un crime de lèse-majesté.
    Le souverain peut prescrire les règles pour entrer dans ces ordres; il peut, selon les anciens usages, fixer un âge, et empêcher que l'on ne fasse des voeux que du consentement exprès des magistrats. Chaque citoyen naît sujet de l'État, et il n'a pas le droit de rompre des engagements naturels envers la société, sans l'aveu de ceux qui la gouvernent.
    Si le souverain abolit un ordre religieux, ces voeux cessent d'être obligatoires. Le premier voeu est d'être citoyen; c'est un serment primordial et tacite, autorisé de Dieu, un voeu dans l'ordre de la Providence, un voeu inaltérable et imprescriptible, qui unit l'homme en société avec la patrie et avec le souverain. Si nous avons pris un engagement postérieur, le voeu primitif a été réservé; rien n'a pu énerver ni suspendre la force de ce serment primitif. Si donc le souverain déclare ce dernier voeu, qui n'a pu être que conditionnel et dépendant du premier, incompatible avec le serment naturel; s'il trouve ce dernier voeu dangereux dans la société, et contraire au bien public, qui est la suprême loi, tous sont dès lors déliés en conscience de ce voeu. Pourquoi ? parce que la conscience les attachait primitivement au serment naturel et au souverain. Le souverain, dans ce cas, ne dissout point un voeu; il le déclare nul, il remet l'homme dans l'état naturel.
    En voilà assez pour dissiper tous les sophismes par lesquels les canonistes ont cherché à embarrasser cette question si simple pour quiconque ne veut écouter que la raison.
SECTION IV.
Des peines ecclésiastiques.
    Puisque ni l'Église, qui est l'assemblée de tous les fidèles, ni les ecclésiastiques, qui sont les ministres dans cette Église, au nom du souverain et sous son autorité, n'ont aucune force coactive, aucune puissance exécutrice, aucun pouvoir terrestre, il est évident que ces ministres de la religion ne peuvent infliger que des peines uniquement spirituelles. Menacer les pécheurs de la colère du ciel, c'est la seule peine dont un pasteur peut faire usage. Si l'on ne veut pas donner le nom de peines à ces censures ou à ces déclamations, les ministres de la religion n'auront aucune peine à infliger.
    L'Église peut-elle bannir de son sein ceux qui la déshonorent ou la troublent ? Grande question sur laquelle les canonistes n'ont point hésité de prendre l'affirmative. Observons d'abord que les ecclésiastiques ne sont pas l'Église. L'Église, assemblée dans laquelle sont les magistrats souverains, pourrait sans doute de droit exclure de ses congrégations un pécheur scandaleux, après des avertissements charitables, réitérés et suffisants. Cette exclusion ne peut dans ce cas même emporter aucune peine civile, aucun mal corporel, ni la privation d'aucun avantage terrestre. Mais ce que peut l'Église de droit, les ecclésiastiques qui sont dans l'Église ne le peuvent qu'autant que le souverain les y autorise et le leur permet.
    C'est donc encore même dans ce cas au souverain à veiller sur la manière dont ce droit sera exercé: vigilance d'autant plus nécessaire qu'il est plus aisé d'abuser de cette discipline. C'est par conséquent à lui, en consultant les règles du support et de la charité, à prescrire les formes et les restrictions convenables: sans cela, toute déclaration du clergé, toute excommunication serait nulle et sans effet, même dans l'ordre spirituel. C'est confondre des cas entièrement différents que de conclure de la pratique des apôtres la manière de procéder aujourd'hui. Le souverain n'était pas de la religion des apôtres, l'Église n'était pas encore dans l'État; les ministres du culte ne pouvaient pas recourir au magistrat. D'ailleurs, les apôtres étaient des ministres extraordinaires tels qu'on n'en voit plus. Si l'on me cite d'autres exemples d'excommunications lancées sans l'autorité du souverain; que dis-je ? si l'on rappelle ce qu'on ne peut entendre sans frémir d'horreur, des exemples mêmes d'excommunications fulminées insolemment contre des souverains et des magistrats, je répondrai hardiment que ces attentats sont une rébellion manifeste, une violation ouverte des devoirs les plus sacrés de la religion, de la charité, et du droit naturel.
    On voit donc évidemment que c'est au nom de toute l'Église que l'excommunication doit être prononcée contre les pécheurs publics, puisqu'il s'agit seulement de l'exclusion de ce corps: ainsi elle doit être prononcée par les ecclésiastiques sous l'autorité des magistrats et au nom de l'Église, pour les seuls cas dans lesquels on peut présumer que l'Église entière bien instruite la prononcerait, si elle pouvait avoir en corps cette discipline qui lui appartient privativement.
    Ajoutons encore, pour donner une idée complète de l'excommunication et des vraies règles du droit canonique à cet égard, que cette excommunication légitimement prononcée par ceux à qui le souverain, au nom de l'Église, en a expressément laissé l'exercice, ne renferme que la privation des biens spirituels sur la terre. Elle ne saurait s'étendre à autre chose: tout ce qui serait au-delà serait abusif, et plus ou moins tyrannique. Les ministres de l'Église ne font que déclarer qu'un tel homme n'est plus membre de l'Église. Il peut donc jouir, malgré l'excommunication, de tous les droits naturels, de tous les droits civils, de tous les biens temporels, comme homme ou comme citoyen. Si le magistrat intervient, et prive outre cela un tel homme d'une charge ou d'un emploi dans la société, c'est alors une peine civile ajoutée pour quelque faute contre l'ordre civil.
    Supposons encore que les ecclésiastiques qui ont prononcé l'excommunication aient été séduits par quelque erreur ou quelque passion (ce qui peut toujours arriver puisqu'ils sont hommes), celui qui a été ainsi exposé à une excommunication précipitée est justifié par sa conscience devant Dieu. La déclaration faite contre lui n'est et ne peut être d'aucun effet pour la vie à venir. Privé de la communion extérieure avec les vrais fidèles, il peut encore jouir ici-bas de toutes les consolations de la communion intérieure. Justifié par sa conscience, il n'a rien à redouter dans la vie à venir du jugement de Dieu, qui est son véritable juge.
    C'est encore une grande question dans le droit canonique, si le clergé, si son chef, si un corps ecclésiastique quelconque peut excommunier les magistrats ou le souverain, sous prétexte ou pour raison de l'abus de leur pouvoir. Cette question seule est scandaleuse, et le simple doute une rébellion manifeste. En effet, le premier devoir de l'homme en société est de respecter et de faire respecter le magistrat; et vous prétendriez avoir le droit de le diffamer et de l'avilir ! qui vous aurait donné ce droit aussi absurde qu'exécrable ? serait-ce Dieu, qui gouverne le monde politique par les souverains, qui veut que la société subsiste par la subordination ?
    Les premiers ecclésiastiques, à la naissance du christianisme, se sont-ils crus autorisés à excommunier les Tibère, les Néron, les Claude, et ensuite les Constance, qui étaient hérétiques ? Comment donc a-t-on pu souffrir si longtemps des prétentions aussi monstrueuses, des idées aussi atroces, et les attentats affreux qui en ont été la suite; attentats également réprouvés par la raison, le droit naturel, et la religion ? S'il était une religion qui enseignât de pareilles horreurs, elle devrait être proscrite de la société comme directement opposée au repos du genre humain. Le cri des nations s'est déjà fait entendre contre ces prétendues lois canoniques, dictées par l'ambition et le fanatisme. Il faut espérer que les souverains, mieux instruits de leurs droits, soutenus par la fidélité des peuples, mettront enfin un terme à des abus si énormes, et qui ont causé tant de malheurs. L'auteur de l'Essai sur les moeurs et l'esprit des nations a été le premier qui a relevé avec force l'atrocité des entreprises de cette nature.
SECTION V.
De l'inspection sur le dogme.
    Le souverain n'est point le juge de la vérité du dogme: il peut juger pour lui-même, comme tout autre homme; mais il doit prendre connaissance du dogme dans tout ce qui intéresse l'ordre civil, soit quant à la nature de la doctrine, si elle avait quelque chose de contraire au bien public, soit quant à la manière de la proposer.
    Règle générale dont les magistrats souverains n'auraient jamais dû se départir. Rien dans le dogme ne mérite l'attention de la police que ce qui peut intéresser l'ordre public; c'est l'influence de la doctrine sur les moeurs qui décide de son importance. Toute doctrine qui n'a qu'un rapport éloigné avec la vertu, ne saurait être fondamentale. Les vérités qui sont propres à rendre les hommes doux, humains, soumis aux lois, obéissants au souverain, intéressent l'État, et viennent évidemment de Dieu.
SECTION VI.
Inspection des magistrats sur l'administration des sacrements.
    L'administration des sacrements doit être aussi soumise à l'inspection assidue du magistrat en tout ce qui intéresse l'ordre public.
    On convient d'abord que le magistrat doit veiller sur la forme des registres publics des mariages, des baptêmes, des morts, sans aucun égard à la croyance des divers citoyens de l'État.
    Les mêmes raisons de police et d'ordre n'exigeraient-elles pas qu'il y eût des registres exacts, entre les mains du magistrat, de tous ceux qui font des voeux pour entrer dans les cloîtres, dans les pays où les cloîtres sont admis ?
    Dans le sacrement de pénitence, le ministre qui refuse ou accorde l'absolution n'est comptable de ses jugements qu'à Dieu; de même aussi le pénitent n'est comptable qu'à Dieu, s'il communie ou non, et s'il communie bien ou mal.
    Aucun pasteur pécheur ne peut avoir le droit de refuser publiquement, et de son autorité privée, l'eucharistie à un autre pécheur. Jésus-Christ, impeccable, ne refusa pas la communion à Judas.
    L'extrême-onction et le viatique, demandés par les malades, sont soumis aux mêmes règles. Le seul droit du ministre est de faire des exhortations au malade, et le devoir du magistrat est d'avoir soin que le pasteur n'abuse pas de ces circonstances pour persécuter les malades.
    Autrefois c'était l'Église en corps qui appelait ses pasteurs et leur conférait le droit d'instruire et de gouverner le troupeau: ce sont aujourd'hui des ecclésiastiques qui en consacrent d'autres; mais la police publique doit y veiller.
    C'est sans doute un grand abus, introduit depuis longtemps, que de conférer les ordres sans fonction; c'est enlever des membres à l'État sans en donner à l'Église. Le magistrat est en droit de réformer cet abus.
    Le mariage, dans l'ordre civil, est une union légitime de l'homme et de la femme pour avoir des enfants, pour les élever, et pour leur assurer les droits des propriétés sous l'autorité de la loi. Afin de constater cette union, elle est accompagnée d'une cérémonie religieuse, regardée par les uns comme un sacrement, par les autres comme une pratique de culte public; vraie logomachie qui ne change rien à la chose. Il faut donc distinguer deux parties dans le mariage, le contrat civil ou l'engagement naturel, et le sacrement ou la cérémonie sacrée. Le mariage peut donc subsister avec tous ses effets naturels et civils, indépendamment de la cérémonie religieuse. Les cérémonies même de l'Église ne sont devenues nécessaires, dans l'ordre civil, que parce que le magistrat les a adoptées. Il s'est même écoulé un long temps sans que les ministres de la religion aient eu aucune part à la célébration des mariages. Du temps de Justinien, le consentement des parties en présence de témoins, sans aucune cérémonie de l'Église, légitimait encore le mariage parmi les chrétiens. C'est cet empereur qui fit, vers le milieu du sixième siècle, les premières lois pour que les prêtres intervinssent comme simples témoins, sans ordonner encore de bénédiction nuptiale. L'empereur Léon, qui mourut sur le trône en 886, semble être le premier qui ait mis la cérémonie religieuse au rang des conditions nécessaires. La loi même qu'il fit atteste que c'était un nouvel établissement.
    De l'idée juste que nous nous formons ainsi du mariage, il résulte d'abord que le bon ordre et la piété même rendent aujourd'hui nécessaires les formalités religieuses, adoptées dans toutes les communions chrétiennes; mais l'essence du mariage ne peut en être dénaturée; et cet engagement, qui est le principal dans la société, est et doit demeurer toujours soumis, dans l'ordre politique, à l'autorité du magistrat.
    Il suit de là encore que deux époux élevés dans le culte même des infidèles et des hérétiques ne sont point obligés de se remarier, s'ils l'ont été selon la loi de leur patrie; c'est au magistrat, dans tous les cas, d'examiner la chose.
    Le prêtre est aujourd'hui le magistrat que la loi a désigné librement en certains pays pour recevoir la foi de mariage. Il est très évident que la loi peut modifier ou changer, comme il lui plaît, l'étendue de cette autorité ecclésiastique.
    Les testaments et les enterrements sont incontestablement du ressort de la loi civile et de celui de la police. Jamais les magistrats n'auraient dû souffrir que le clergé usurpât l'autorité de la loi à aucun de ces égards. On peut voir encore, dans le Siècle de Louis XIV et dans celui de Louis XV, des exemples frappants des entreprises de certains ecclésiastiques fanatiques sur la police des enterrements. On a vu des refus de sacrements, d'inhumation, sous prétexte d'hérésie; barbarie dont les païens mêmes auraient eu horreur.
SECTION VII.
Juridiction des ecclésiastiques.
    Le souverain peut sans doute abandonner à un corps ecclésiastique ou à un seul prêtre une juridiction sur certains objets et sur certaines personnes, avec une compétence convenable à l'autorité confiée. Je n'examine point s'il a été prudent de remettre ainsi une portion de l'autorité civile entre les mains d'un corps ou d'une personne qui avait déjà une autorité sur les choses spirituelles. Livrer à ceux qui devaient seulement conduire les hommes au ciel une autorité sur la terre, c'était réunir deux pouvoirs dont l'abus était trop facile; mais il est certain du moins qu'aucun homme, en tant qu'ecclésiastique, ne peut avoir aucune sorte de juridiction. S'il la possède, elle est ou concédée par le souverain, ou usurpée; il n'y a point de milieu. Le royaume de Jésus-Christ n'est point de ce monde; il a refusé d'être juge sur la terre; il a ordonné de rendre à César ce qui appartient à César; il a interdit à ses apôtres toute domination; il n'a prêché que l'humilité, la douceur, et la dépendance. Les ecclésiastiques ne peuvent tenir de lui ni puissance, ni autorité, ni domination, ni juridiction, dans le monde; ils ne peuvent donc posséder légitimement aucune autorité que par une concession du souverain, de qui tout pouvoir doit dériver dans la société.
    Puisque c'est du souverain seul que les ecclésiastiques tiennent quelque juridiction sur la terre, il suit de là que le souverain et les magistrats doivent veiller sur l'usage que le clergé fait de son autorité, comme nous l'avons prouvé.
    Il fut un temps, dans l'époque malheureuse du gouvernement féodal, où les ecclésiastiques s'étaient emparés en divers lieux des principales fonctions de la magistrature. On a borné dès lors l'autorité des seigneurs de fiefs laïques, si redoutable au souverain et si dure pour les peuples; mais une partie de l'indépendance des juridictions ecclésiastiques a subsisté. Quand donc est-ce que les souverains seront assez instruits ou assez courageux pour reprendre à eux toute autorité usurpée, et tant de droits dont on a si souvent abusé pour vexer les sujets qu'ils doivent protéger ?
    C'est de cette inadvertance des souverains que sont venues les entreprises audacieuses de quelques ecclésiastiques contre le souverain même. L'histoire scandaleuse de ces attentats énormes est consignée dans des monuments qui ne peuvent être contestés; et il est à présumer que les souverains, éclairés aujourd'hui par les écrits des sages, ne permettront plus des tentatives qui ont si souvent été accompagnées ou suivies de tant d'horreurs.
    La bulle in coena Domini est encore en particulier une preuve subsistante des entreprises continuelles du clergé contre l'autorité souveraine et civile, etc..
EXTRAIT DU TARIF DES DROITS
Qu'on paie en France à la cour de Rome pour les bulles, dispenses, absolutions, etc., lequel tarif fut arrêté au conseil du roi, le 4 septembre 1691, et qui est rapporté tout entier dans l'instruction de Jacques Le Pelletier, imprimée à Lyon, en 1699, avec approbation et privilège du roi, à Lyon, chez Antoine Boudet, huitième édition. On en a retiré les exemplaires, et les taxes subsistent.
    1° Pour absolution du crime d'apostasie, on paiera au pape quatre-vingts livres.
    2° Un bâtard qui voudra prendre les ordres, paiera pour la dispense vingt-cinq livres; s'il veut posséder un bénéfice simple, il paiera de plus cent quatre-vingts livres; s'il veut que dans la dispense on ne fasse pas mention de son illégitimité, il paiera mille cinquante livres.
    3° Pour dispense et absolution de bigamie, mille cinquante livres.
    4° Pour dispense à l'effet de juger criminellement, ou d'exercer la médecine, quatre-vingt-dix livres.
    5° Absolution d'hérésie, quatre-vingts livres.
    6° Bref de quarante heures pour sept ans, douze livres.
    7° Absolution pour avoir commis un homicide à son corps défendant ou sans mauvais dessein, quatre-vingt-quinze livres. Ceux qui étaient dans la compagnie du meurtrier doivent aussi se faire absoudre, et payer pour cela quatre-vingt-cinq livres.
    8° Indulgences pour sept années, douze livres.
    9° Indulgences perpétuelles pour une confrérie, quarante livres.
    10° Dispense d'irrégularité ou d'inhabilité, vingt-cinq livres; si l'irrégularité est grande, cinquante livres.
    11° Permission de lire les livres défendus, vingt-cinq livres.
    12° Dispense de simonie, quarante livres; sauf à augmenter suivant les circonstances.
    13° Bref pour manger les viandes défendues, soixante-cinq livres.
    14° Dispense de voeux simples de chasteté ou de religion, quinze livres. Bref déclaratoire de la nullité de la profession d'un religieux ou d'une religieuse, cent livres: si on demande ce bref dix ans après la profession, on paie le double.
DISPENSES DE MARIAGE.
    Dispense du quatrième degré de parenté avec cause, soixante-cinq livres; sans cause, quatre-vingt-dix livres; avec absolution des familiarités que les futurs ont eues ensemble, cent quatre-vingts livres.
    Pour les parents du troisième au quatrième degré, tant du côté du père que de celui de la mère, la dispense sans cause est de huit cent quatre-vingts livres; avec cause, cent quarante-cinq livres.
    Pour les parents au second degré d'un côté, et au quatrième de l'autre, les nobles paieront mille quatre cent trente livres; pour les roturiers, mille cent cinquante-cinq livres.
    Celui qui voudra épouser la soeur de la fille avec laquelle il a été fiancé, paiera pour la dispense mille quatre cent trente livres.
    Ceux qui sont parents au troisième degré, s'ils sont nobles, ou s'ils vivent honnêtement, paieront mille quatre cent trente livres; si la parenté est tant du côté du père que de celui de la mère, deux mille quatre cent trente livres.
    Parents au second degré paieront quatre mille cinq cent trente livres; si la future a accordé des faveurs au futur, ils paieront de plus pour l'absolution deux mille trente livres.
    Ceux qui ont tenu sur les fonts de baptême l'enfant de l'un ou de l'autre, la dispense est de deux mille sept cent trente livres. Si l'on veut se faire absoudre d'avoir pris des plaisirs prématurés, on paiera de plus mille trois cent trente livres.
    Celui qui a joui des faveurs d'une veuve pendant la vie du premier mari, paiera pour l'épouser légitimement cent quatre-vingt-dix livres.
    En Espagne et en Portugal, les dispenses de mariage sont beaucoup plus chères. Les cousins-germains ne les obtiennent pas à moins de deux mille écus, de dix jules de componade.
    Les pauvres ne pouvant pas payer des taxes aussi fortes, on leur fait des remises: il vaut bien mieux tirer la moitié du droit que de ne rien avoir du tout en refusant la dispense.
    On ne rapporte pas ici les sommes que l'on paie au pape pour les bulles des évêques, des abbés, etc.; on les trouve dans les almanachs: mais on ne voit pas de quelle autorité la cour de Rome impose des taxes sur les laïques qui épousent leurs cousines.

Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.

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